Histoire de l’Acadie

Port-Royal
Antonine Maillet, écrivain
Port de Louisbourg
Navire marchand
Du début du XIXe siècle jusqu’aux années 1920, les navires marchands comme celui-ci étaient utilisés pour exporter du bois et du poisson vers l’Europe et l’Amérique du Sud. De nombreux Acadiens ont travaillé dans ce type d’économie, soit comme constructeur ou marin (courtoisie Centre de rechèrche,Nicolas Denys, Campus de Shippagan, Université de Moncton).
Goelette
Louisbourg. Bâtiments en bois
Grand Pré
Port-Royal (Dessin de Champlain)'s Drawing)

Histoire du nom « Acadie »

L’Acadie trouve son origine chez Giovanni da Verrazzano, un explorateur italien au service du roi de France, qui voyage en Amérique du Nord. En 1524-1525, il explore la côte atlantique et donne le nom d' »Archadia », ou « Arcadie » en italien, à une région proche de l’actuel État américain du Delaware. En 1566, le cartographe Bolongnino Zaltieri a donné un nom similaire, « Larcadia », à une région située loin au nord-est des actuelles Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick.Les notes de l’explorateur portugais Estêvão Gomes datant de 1524 incluaient également Terre-Neuve dans la région qu’il appelait « Arcadie » (voir aussi Acadie).

Le nom d’Arcadie (Acadie) peut également avoir eu des racines indigènes. Peut-être à partir du mot mi’kmaq pour le camp, ou « Algatig ». Ou encore, du terme indigène « Quoddy » qui désigne une terre fertile.

Présence française (1534-1713)

L’abondance de morue au large de Terre-Neuve était bien connue bien avant l’arrivée de Jacques Cartier (voir Voyages nordiques ; Histoire des pêches). En 1534, au cours du premier de ses trois voyages au Canada, Cartier est entré en contact avec des Mi’kmaqs dans la baie des Chaleurs.

Les premiers colons français ne sont toutefois arrivés qu’en 1604 sous la direction de Pierre du Gua de Monts et de Samuel de Champlain.De Monts a installé les quelque 80 colons à l’île Sainte-Croix sur la rivière Sainte-Croix. L’hiver 1604-1605 fut désastreux, le scorbut tuant au moins 36 hommes.

L’année suivante, la colonie chercha un nouveau site et choisit Port-Royal. Lorsque certains marchands français ont contesté son monopole commercial, de Monts a ramené tout le monde en France en 1607 ; les colons français ne sont pas revenus avant 1610. À peu près à cette époque, les Français ont également formé des alliances avec les deux principaux peuples autochtones de l’Acadie, les Mi’kmaqs et les Malécites.

D’autres facteurs ont également étouffé le développement de l’Acadie. En 1613, Samuel Argall, un aventurier de Virginie, s’empare de l’Acadie et chasse la plupart de ses colons. En 1621, le gouvernement rebaptise l’Acadie en Nouvelle-Écosse. En 1629, il a également permis aux colons écossais de Sir William Alexander de s’installer. Le projet d’expansion écossais d’Alexander est coupé court en 1632 par le traité de Saint-Germain-en-Laye,qui permet à la France de reconquérir l’Acadie.

En 1631, la France nomme Charles La Tour lieutenant général de l’Acadie. Il construit des places fortes au cap de Sable et à l’embouchure de la rivière Saint-Jean (Fort La Tour, plus tard Saint-Jean).

Présence et colonisation renouvelées

Les efforts de colonisation renouvelés ont lieu sous le gouverneur Isaac de Razilly, qui déplace la capitale de Port-Royal à La Hève (aujourd’hui LaHave)sur la rive sud de l’actuelle Nouvelle-Écosse. Il est arrivé en 1632 avec « 300 gentilshommes de qualité ». Marin de métier, Razilly s’intéressait davantage au commerce maritime qu’à l’agriculture, ce qui a influencé sa décision quant à l’emplacement des colonies.Les missionnaires français ont participé à l’aventure coloniale dès 1613. Dans les années 1680, quelques églises en bois avec des prêtres résidents étaient établies.

Razilly meurt en 1635, laissant Charles de Menou D’Aulnay et La Tour se disputer sa succession. D’Aulnay ramène la capitale à Port-Royal, puisprocède à une guerre civile contre La Tour, solidement implanté dans la région. D’Aulnay est convaincu que l’avenir de la colonie passe par le développement de l’agriculture qui assurera une alimentation et une population stables. Avant sa mort en 1650, D’Aulnay est responsable de l’arrivée d’une vingtaine de familles. Avec l’arrivée d’un plus grand nombre de familles, la production agricole se stabilise tandis qu’une nourriture et des vêtements adéquats deviennent disponibles.

L’inimitié franco-anglaise affecte une fois de plus le destin de l’Acadie, entraînant sa conquête par les Anglais en 1654. La région est cependant rendue à la France par le traité de Breda (1667).En 1690, la colonie est prise par l’aventurier de la Nouvelle-Angleterre Sir William Phips et revient une nouvelle fois à la France par le traité de Ryswick (1697).

Établissement de nouvelles colonies

À partir des années 1670, des colons quittent Port-Royal pour fonder d’autres établissements, les plus importants étant Beaubassin (Amherst, Nouvelle-Écosse) et Grand-Pré (aujourd’hui Grand Pré,Nouvelle-Écosse). Le premier recensement officiel, tenu en 1671, a enregistré une population acadienne de plus de 400 personnes, dont 200 vivaient à Port-Royal. En 1701, on en comptait environ 1 400 ; en 1711, quelque 2 500 ; en 1750, plus de 10 000 ; et en 1755, plus de 13 000 (Louisbourgexclu).

Ces Acadiens très autonomes pratiquaient l’agriculture et l’élevage sur des terres marécageuses. Les Acadiens ont asséché les marais en utilisant une technique de barrières adaptables aux marées, appelées aboiteaux, rendant ainsi l’agriculture possible. Ils pratiquent la chasse, la pêche et le piégeage et entretiennent même des liens commerciaux avec les colons anglais d’Amérique, malgré les objections des autorités françaises. Les Acadiens se considèrent comme  » neutres  » puisque l’Acadie a été transférée plusieurs fois entre les Français et les Anglais. En ne prenant pas parti,ils espéraient éviter les contrecoups militaires.

L’Acadie péninsulaire n’était pas la seule région avec une population française le long de l’Atlantique. Dans les années 1660, la France a établi une colonie de pêche à Plaisance (aujourd’hui Placentia, Terre-Neuve).Dans les deux régions, la population française semblait jouir d’un niveau de vie assez élevé. L’accès facile à la terre et l’absence de règlements stricts permettent aux Acadiens de mener une existence relativement autonome. Une contribution essentielle à la survie des Acadiens a été apportée par les Mi’kmaqs. À la fin du XVIIe siècle, les peuples autochtones exerçaient une influence considérable sur les Acadiens en raison de leur connaissance des bois et de la terre.

Sous la domination britannique

A la suite de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1713), l’Acadie est tombée sous la domination britannique pour la dernière fois. Par le traité d’Utrecht,Plaisance est cédée ainsi que le territoire qui consistait en « l’Acadie selon ses anciennes frontières. » Cependant, la France et l’Angleterre ne parviennent pas à s’entendre sur la définition de ces frontières. Pour les Français, le territoire ne comprend que la péninsule actuelle de la Nouvelle-Écosse. Les Anglais, eux, revendiquaient ce qui est aujourd’hui le Nouveau-Brunswick, la Gaspésie et le Maine.

Voisins difficiles (1713-1763)

Après la perte de  » l’ancienne Acadie « , la France se concentre sur le développement de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) et de l’île Royale (Île du Cap-Breton). Ces deux régions avaient été jusqu’alors largement ignorées. Sur l’île Royale, Louisbourg est choisie comme nouvelle capitale. Louisbourg avait trois rôles : un nouveau poste de pêche pour remplacer Plaisance, une forte présence militaire et un centre de commerce. L’Île St-Jean était plutôt considérée comme l’extension agricole de l’Île Royale.

Le traité d’Utrecht permettait théoriquement aux Acadiens de se déplacer vers d’autres colonies françaises. Les Acadiens, cependant, ne montrèrent que peu de désir de le faire. Ces autres colonies ne possédaient pas les marais qui étaient si essentiels au système agricole des Acadiens. De plus, les autorités britanniques de Port-Royal (rebaptisé Annapolis Royal) n’ont pas aidé à la relocalisation des Acadiens. Au contraire, elles ont interféré dans le processus. Les Britanniques craignent de vider la colonie de sa population tout en augmentant celle de l’île Royale. Les agriculteurs acadiens étaient également nécessaires pour assurer la subsistance de la garnison.

À l’exception de la garnison de Port-Royal, les Britanniques n’ont pratiquement plus fait de tentative de colonisation jusqu’en 1749. La colonie a également été une nouvelle fois rebaptisée en Nouvelle-Écosse. De 1713 à 1744, la faible présence anglaise et une longue paix permettent à la population acadienne de croître à un rythme rapide. Pour certains historiens, cette période est considérée comme  » l’âge d’or  » de l’Acadie.

La Grande-Bretagne exigeait que ses sujets conquis prêtent un serment de loyauté inconditionnel. Les Acadiens, eux, n’acceptent qu’un serment de neutralité. Incapable d’imposer le serment inconditionnel, le gouverneur Richard Philipps donne son accord verbal à cette semi-allégeance en 1729-1730.

En 1745, pendant la guerre de Succession d’Autriche, Louisbourg tombe aux mains d’un corps expéditionnaire anglais dont l’armée de terre est largement composée de colons de Nouvelle-Angleterre. Cependant, la France récupère la forteresse par le traité d’Aix-la-Chapelle (1748), au grand dam des colonies de la Nouvelle-Angleterre. C’est dans ce contexte que la Grande-Bretagne décide de rendre le territoire néo-écossais  » véritablement  » britannique.

Déportation

En 1749, la capitale est déplacée d’Annapolis Royal à Halifax. Destinée à servir de contrepoids militaire et commercial à Louisbourg, Halifax a été choisie parce qu’elle était un meilleur port maritime et qu’elle était éloignée des centres de population acadiens. La Grande-Bretagne prend enfin des mesures pour faire venir ses propres colons dans la colonie. De 1750 à 1760, on estime que 7 000 colons britanniques et 2 400 Allemands sont venus s’installer en Nouvelle-Écosse. De plus, en 1750, les Britanniques ont construit le fort Lawrence pour surveiller les Français et leurs alliés Mi’kmaq. Le fort était également destiné à protéger les éventuels colons anglais et à stopper toute éventuelle invasion terrestre en provenance du Canada.

Les autorités françaises réagissent en construisant le fort Beausejour en 1751 (près de Sackville, au Nouveau-Brunswick) pour empêcher les Britanniques de traverser l’isthme de Chignecto et d’attaquer la « nouvelle » Acadie. Avec Louisbourg et le Canada au nord, le fort Beauséjour à l’est et une population acadienne considérée comme une menace potentielle de rébellion, les autorités britanniques décident de régler la question acadienne une fois pour toutes. En refusant de prêter un serment d’allégeance inconditionnel, la population risque la déportation. Les Britanniques s’emparent d’abord du fort Beauséjour, puis exigent à nouveau un serment d’allégeance inconditionnel de la part des Acadiens.

Prise entre les menaces anglaises et la crainte de représailles françaises et indigènes, les représentants acadiens sont convoqués devant le gouverneur Charles Lawrence. Suivant les conseils du père Le Loutre, les représentants refusent d’abord de faire le serment, mais ils décident finalement d’accepter. Lawrence, insatisfait de l’engagement pris à contrecœur, exécute les plans de déportation en 1755.

Le contexte socio-politique de la déportation

La déportation s’est produite à la suite de la situation géopolitique contemporaine et n’était pas un choix individuel de Lawrence. Il savait que les troupes britanniques du général Braddock venaient d’être amèrement vaincues par les forces françaises dans la vallée de l’Ohio (voir Fort Duquesne). La crainte d’une attaque combinée de Louisbourg et du Canada contre la Nouvelle-Écosse, à laquelle se joindraient théoriquement les Acadiens et les Mi’kmaq, explique, dans une certaine mesure, l’ordre de déportation.

Le processus de déportation, une fois enclenché, s’étend de 1755 à 1762. Les Acadiens sont mis dans des bateaux et déportés vers les colonies anglaises le long de la côte est, jusqu’en Géorgie au sud. Certains ont fini par trouver le chemin de la Louisiane et ont contribué à la création de la culture « cajun ». (Voir aussi Louisiane et Canada francophones). D’autres ont réussi à fuir vers le territoire français ou à se cacher dans les bois. On estime que les trois quarts de la population acadienne ont été déportés ; le reste a évité ce sort en s’échappant. Un nombre inconnu d’Acadiens ont péri de faim ou de maladie. Quelques navires remplis d’exilés ont coulé en haute mer avec leurs passagers à bord. (Voir aussi Expulsion des Acadiens).

En 1756, la guerre de Sept Ans éclate entre la France et l’Angleterre. Les deux colonies françaises, l’île Royale et l’île Saint-Jean, tombent en 1758. Étant sujets français,leurs colons sont expulsés et rapatriés en France. Plus de 3 000 colons sont déportés de la seule île Saint-Jean, la moitié d’entre eux perdant la vie par noyade ou par maladie. Le Traité de Paris (1763)met définitivement fin à la présence coloniale française dans les Maritimes et dans la majeure partie de la Nouvelle-France.

Anglicisation (1763-1880)

Après 1763, les Maritimes prennent un visage résolument britannique lorsque les planteurs de la Nouvelle-Angleterre s’installent sur les terres précédemment habitées par les Acadiens. Les noms anglais remplacent presque partout les noms français ou mi’kmaq. Les Britanniques ont d’abord réorganisé le territoire en une seule province, la Nouvelle-Écosse. En 1769, cependant, ils détachent l’ancienne île Saint-Jean, qui devient une province distincte sous le nom de Saint John’s Island, qui reçoit son nom actuel d’Île-du-Prince-Édouard en 1799. En 1784, l’actuel Nouveau-Brunswick est à son tour séparé de la Nouvelle-Écosse, suite à l’arrivée des loyalistes américains qui demandent leur propre administration coloniale.

Pour ce qui est des Acadiens, ils entament le long et douloureux processus de réinstallation dans leur pays d’origine. La Grande-Bretagne leur a donné la permission une fois qu’ils ont finalement accepté de prêter le controversé serment d’allégeance. Certains revinrent d’exil, mais la réinstallation fut en grande partie l’œuvre des fugitifs qui avaient échappé à la déportation et des prisonniers de Beauséjour, Pigiguit, Port-Royal et Halifax qui furent finalement libérés.

Ces Acadiens restants se dirigèrent vers le Cap-Breton, où certains s’établirent le long de la côte près de l’île Madame et sur l’île elle-même. D’autres se sont installés à l’extrémité sud-ouest de la péninsule de la Nouvelle-Écosse et le long de la baie Sainte-Marie, tandis que d’autres sont allés dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick (Madawaska). Un petit nombre d’entre eux se sont également établis à l’Île-du-Prince-Édouard, mais la majorité des Acadiens sont allés dans les parties orientales du Nouveau-Brunswick.

Déclin économique

Les autorités britanniques préféraient voir les Acadiens répartis dans la région. Cette politique convenait aux Acadiens puisqu’elle leur permettait d’éviter les régions à majorité britannique. Cela permettait en retour aux colons britanniques d’occuper les terres appartenant auparavant aux Acadiens.

La plupart des Acadiens, à l’exception de ceux de l’Île-du-Prince-Édouard et du Madawaska, se sont retrouvés sur des terres moins fertiles. Ainsi, ces anciens agriculteurs sont devenus des pêcheurs ou des bûcherons, ne cultivant leurs terres que pour leur subsistance. En tant que pêcheurs, ils étaient exploités et réduits à la pauvreté, notamment par des entreprises de l’île de Jersey.

En 1746, les forces britanniques ont vaincu un soulèvement catholique écossais lors de la bataille de Culloden, pendant la rébellion jacobite. À la suite de cette rébellion, la Couronne britannique a dépouillé les Acadiens de leurs droits civils et politiques parce qu’ils étaient eux aussi catholiques.Les Acadiens n’avaient pas le droit de vote et ne pouvaient pas être membres de l’assemblée législative. De 1758 à 1763, ils ne pouvaient pas légalement posséder de terres. Ce n’est que plus tard, en 1789, que les Acadiens de la Nouvelle-Écosse obtiennent le droit de vote. Ceux du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard ont dû attendre jusqu’en 1810. Après 1830, les Acadiens peuvent siéger dans les législatures des trois colonies à la suite de la promulgation de la Loi sur le secours catholique romain.

Les germes d’une nouvelle Acadie

En général, les Acadiens du début du XIXe siècle n’ont pratiquement pas d’institutions propres. L’Église catholique était la seule institution francophone des Maritimes, mais son clergé venait surtout du Québec ou de la France. Il y a peu d’écoles francophones et les enseignants, pour la plupart, sont de simples  » maîtres ambulants  » qui transmettent leur savoir de village en village. Il n’y a pas de journal français. Il n’y avait pas non plus d’avocats ou de médecins. En fait, il n’y avait pas de classe moyenne acadienne.

Cependant, qu’ils en soient conscients ou non, la survie continue de ces Acadiens a semé les graines d’une nouvelle Acadie. Au début du XIXe siècle, il y avait 4 000 Acadiens en Nouvelle-Écosse, 700 à l’Île-du-Prince-Édouard et 3 800 au Nouveau-Brunswick.La croissance démographique des Acadiens au cours de ce siècle a été remarquable : ils étaient environ 87 000 au moment de la Confédération et 140 000 au tournant du XXe siècle.

Conscience collective et identité

Les Acadiens ont commencé à s’exprimer en tant que peuple au cours des années 1830. Ils ont élu leurs premiers représentants législatifs dans les trois provinces maritimes dans les années 1840 et 1850. Le poème Evangeline (1847)de l’auteur américain Henry W. Longfellow a fait l’objet de plusieurs traductions françaises et a eu une grande influence.

En Acadie même, un pasteur né au Québec, François-Xavier Lafrance, ouvre en 1854 le premier établissement d’enseignement supérieur de langue française, le Séminaire Saint-Joseph au Nouveau-Brunswick. Il ferme en 1862 mais est rouvert deux ans plus tard par des prêtres québécois de la congrégation de Sainte-Croix sous le nom de Collège Saint-Joseph (qui sera plus tard fusionné à l’Université de Moncton).

En 1867, le premier journal de langue française des Maritimes, Le Moniteur Acadien, est établi à Shédiac, au Nouveau-Brunswick. Ce journal a été suivi par L’Évangéline(1887-1982) à Digby, en Nouvelle-Écosse, et en 1893 par L’Impartial à Tignish, à l’Île-du-Prince-Édouard.

Les ordres religieux sont venus en Acadie où ils ont joué un rôle essentiel dans l’éducation et les soins de santé. Les sœurs de l’ordre de Notre-Dame de Montréal ont ouvert des pensionnats à l’Île-du-Prince-Édouard à Miscouche (1864) et à Tignish (1868). Toujours en 1868, les Sœurs de Saint-Joseph prennent en charge la station de quarantaine maritime de Tracadie (aujourd’hui Tracadie-Sheila), au Nouveau-Brunswick. Elles s’établissent également à Saint-Basile, où leur pensionnat deviendra éventuellement le Collège Maillet.

Juste avant la Confédération, les Acadiens se font entendre de façon remarquable dans la politique des Maritimes. Au Nouveau-Brunswick, une majorité d’Acadiens ont voté contre la Confédération à deux occasions différentes. Bien qu’un grand nombre de politiciens les aient accusés d’être réactionnaires, les Acadiens n’étaient pas le seul groupe à s’opposer à la Confédération.

L’ère nationaliste (1881-1950)

Dès les années 1860, une classe moyenne acadienne avait commencé à prendre forme. Bien que le collège Saint-Joseph et le collège Sainte-Anne (1890) de Church Point, en Nouvelle-Écosse, aient certainement contribué à l’émergence d’une élite intellectuelle, il y avait au moins quatre catégories d’élite en Acadie. Les deux plus visibles sont le clergé et les membres des professions libérales comme les médecins et les avocats. Pendant ce temps, les fermiers et les commerçants acadiens, qui ne bénéficiaient pas des mêmes ressources financières que leurs homologues anglophones, ont néanmoins réussi à se distinguer.

À partir de 1881, les conventions nationales acadiennes sont devenues des forums où les Acadiens pouvaient établir un consensus sur des projets importants. Ceux-ci comprenaient la promotion du développement agricole, l’éducation en français et l’acadianisation du clergé catholique.Les assemblées se sont tenues par intermittence dans différentes localités acadiennes jusqu’en 1930.

Les Acadiens ont fondé la Société Nationale de l’Acadie dont le but était de promouvoir la culture acadienne. Des symboles nationaux sont choisis : un drapeau (le tricolore français avec une étoile jaune dans la bande bleue), une fête nationale (la fête de l’Assomption, célébrée le 15 août), un slogan ( » L’union fait la force « ) et un hymne national (Ave Maris Stella). Une victoire importante a été remportée par la nomination de Monseigneur Edouard le Blanc en 1912 comme premier évêque de l’Acadie.

En outre, entre 1881 et 1925, au moins trois ordres religieux féminins acadiens ont été formés. Les couvents de ces ordres ont grandement contribué à améliorer l’éducation des Acadiennes et à rehausser la vie culturelle de la communauté. Ces ordres ont également fondé les premiers collèges pour filles en Acadie, à Memramcook, au Nouveau-Brunswick (1913), à Saint-Basile, au Nouveau-Brunswick (1949) et à Shippagan, au Nouveau-Brunswick (1960).

Urbanisation

Pendant ce temps, un important tournant socio-économique s’opérait. À savoir avec le rattrapage par les Acadiens du modèle d’industrialisation et d’urbanisation à travers le Canada. Bien que la migration des Acadiens vers les villes ait été moins prononcée que dans d’autres parties du Canada, un grand nombre d’entre eux se sont néanmoins installés dans les grandes villes. Les destinations populaires comprenaient Moncton, Yarmouth etAmherst ainsi que les villes de la Nouvelle-Angleterre pour travailler dans les usines et les moulins.

Certains membres de l’élite acadienne considéraient qu’il s’agissait d’une évolution dangereuse vers l’assimilation à la majorité anglo-saxonne. Des tentatives ont été faites entre 1880 et 1940 pour réduire le nombre de personnes partant en exil. On s’efforce également de détourner les Acadiens de l’industrie de la pêche, qui appartient en grande partie à des sociétés étrangères, et d’aider les familles à faire face aux dures réalités de la Grande Dépression. Le mouvement coopératif des années 1930 a finalement permis aux pêcheurs, après des générations d’exploitation, de reprendre le contrôle de leur gagne-pain. (Voir aussi le mouvement d’Antigonish).

Certaines caractéristiques régionales distinctives sont également apparues. En raison de la taille plus importante de leur communauté, les Acadiens du Nouveau-Brunswick ont pris l’initiative de parler au nom des Acadiens dans leur ensemble.

Reconnaissance culturelle

Dans les années 1950, les Acadiens ont commencé à avoir un impact à plusieurs niveaux sur l’économie, la politique et la culture des provinces maritimes. En préservant leurs valeurs et leur culture chez eux, ils ont pu développer un système d’éducation français (principalement au Nouveau-Brunswick). La vigueur et le caractère distinctif de leur culture les ont protégés des ravages de l’assimilation et les ont aidés à être reconnus comme un peuple minoritaire au sein des Maritimes.

En termes d’avantages, presque tous les Acadiens ont accès à une éducation en français. L’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse et l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick offrent aux francophones le choix entre deux établissements d’enseignement postsecondaire offrant des programmes complets en français. Le gouvernement libéral du premier ministre Louis J. Robichaud a rendu le Nouveau-Brunswick officiellement bilingue en 1969 (ce qui ne garantit toutefois pas des services municipaux en français).

Toutes ces victoires ne sont pas une garantie de survie. Les années 1960 voient un mouvement souverainiste au Québec et un mouvement anti-bilinguisme dans l’Ouest occuper la scène au niveau national. Ironiquement, comme cela s’était produit dans les années 1750, les Acadiens sont pris entre deux feux. Néanmoins, ils ont pu faire quelques gains pour préserver leurs droits.

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