Le dauphin du fleuve Yangtze, jusqu’à récemment l’une des espèces les plus menacées de la planète, a été déclaré officiellement éteint après une étude intensive de son habitat naturel.
Le mammifère marin d’eau douce, qui pouvait atteindre huit pieds de long et peser jusqu’à un quart de tonne, est le premier grand vertébré contraint à l’extinction par l’activité humaine en 50 ans, et seulement la quatrième fois qu’une lignée évolutive entière de mammifères disparaît de la surface de la Terre depuis l’an 1500.
Les défenseurs de la nature ont décrit hier cette extinction comme une « tragédie choquante », causée non pas par une persécution active, mais de manière accidentelle et négligente par une combinaison de facteurs, dont la pêche non durable et la navigation de masse.
Dans les années 1950, le fleuve Yangtze et les cours d’eau voisins comptaient une population de milliers de dauphins d’eau douce, également connus sous le nom de Baiji, mais leur nombre a considérablement diminué depuis que la Chine s’est industrialisée et a transformé le Yangtze en une artère encombrée de navigation de masse, de pêche et de production d’électricité. Une enquête menée en 1999 a estimé que la population de dauphins de rivière était proche de seulement 13 animaux.
Historiquement, l’espèce était vénérée et atteignait presque un statut de demi-dieu parmi les pêcheurs qui racontaient des histoires où les dauphins étaient des réincarnations de princesses noyées. Mais lors du Grand Bond en avant de Mao, le renversement des idoles a vu leur protection levée et ils ont été chassés pour leur nourriture et leur peau.
Sam Turvey, biologiste de la conservation au zoo de Londres, a travaillé avec des scientifiques du gouvernement chinois pour étudier l’ensemble des 1 669 km du fleuve Yangtze en aval du barrage géant des Trois Gorges jusqu’à Shanghai, une région qui a été l’habitat naturel des dauphins de rivière.
L’équipe a parcouru le fleuve à quatre reprises à bord de deux bateaux au cours des six semaines d’enquête, en utilisant des jumelles très puissantes pour repérer les dauphins. Des hydrophones sensibles ont été remorqués derrière pour écouter leurs cris.
Les chercheurs espéraient que si des dauphins étaient repérés, ils pourraient être emmenés dans une réserve située dans un lac en arc de cercle qui faisait autrefois partie du Yangtsé dans l’espoir de renforcer leur nombre. Mais à la fin de l’enquête, ils n’avaient ni vu ni entendu aucun signe des dauphins, selon leur rapport dans la revue Biology Letters.
« Nous sommes passés par ce qui était censé être des hotspots de Baiji et chaque jour il n’y avait rien. Les espoirs de chaque personne de l’enquête sont morts à différents moments ; tout le monde a eu un moment de réalisation que nous n’allions rien trouver », a déclaré le Dr Turvey.
Environ la moitié des dauphins de rivière ont été tués en raison de pratiques de pêche inconsidérées et souvent illégales. Bien qu’interdites depuis 30 ans, certains navires traînent encore de longues lignes d’hameçons non appâtés. « Elles dérivent dans l’eau et s’accrochent à tout. Ils entaillent, enchevêtrent et étouffent les dauphins », explique le Dr Turvey. La faiblesse de l’emploi dans les années 1980 et 1990 a vu une augmentation de la pêche non qualifiée.
Le Dr Turvey a déclaré que les organisations de conservation avaient été promptes à appeler à des mesures pour protéger le dauphin de rivière, mais que beaucoup étaient trop prudentes pour prendre des mesures significatives.
« La perte d’une espèce aussi unique et charismatique est une tragédie choquante. Le dauphin du Yangtsé était un mammifère remarquable qui s’est séparé de toutes les autres espèces il y a plus de 20m d’années. Cette extinction représente la disparition d’une branche complète de l’arbre de vie de l’évolution », a ajouté le Dr Turvey.
Galerie : Dauphin du fleuve Yangtze
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