Une curiosité de la Nature et un émetteur bêta à très longue durée de vie

Argon 40, un gaz retenu prisonnier par la lave
La méthode potassium-argon est fréquemment utilisée pour dater les coulées de lave dont l’âge est compris entre un million et un milliard d’années. Lorsqu’un atome de potassium 40 se désintègre en argon 40, l’atome d’argon produit est piégé par la structure cristalline de la lave. Il ne peut s’échapper que lorsque la roche est à l’état fondu, et donc la quantité d’argon fossilisé présente dans la lave permet aux scientifiques de dater l’âge de la solidification.
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Le potassium 40 est un radio-isotope que l’on trouve à l’état de traces dans le potassium naturel, est à l’origine de plus de la moitié de l’activité du corps humain : subissant entre 4 et 5 000 désintégrations par seconde pour un homme de 80 kg. Avec l’uranium et le thorium, le potassium contribue à la radioactivité naturelle des roches et donc à la chaleur de la Terre.
Cet isotope représente un dix millième du potassium présent naturellement. En termes de poids atomique, il se situe entre deux isotopes plus stables et beaucoup plus abondants (potassium 39 et potassium 41) qui représentent respectivement 93,25% et 6,73% de l’approvisionnement total de la Terre en potassium. Avec une demi-vie de 1,251 milliard d’années, le potassium 40 existait dans les restes d’étoiles mortes dont l’agglomération a conduit au système solaire avec ses planètes.

Les deux canaux de désintégration du potassium 40
Le schéma de désintégration du potassium 40 est inhabituel. L’énergie massique de l’atome est supérieure à celles de ses deux voisins dans la famille des atomes à 40 nucléons dans leur noyau : l’argon-40 avec un proton en moins et le calcium-40 avec un proton en plus. Le potassium-40 a deux canaux de désintégration ouverts. Le canal de désintégration bêta-minus menant à calcium_40 est de loin le plus fréquent, mais les désintégrations menant à argon-40 par capture électronique se produisent à un taux de 11 %. La très longue demi-vie de 1,251 milliard d’années, exceptionnelle pour une désintégration bêta, est également remarquable. Ceci s’explique par un grand saut dans la rotation interne (ou spin ) du noyau pendant la désintégration, qui interdit presque la transition particulièrement difficile, la rendant donc extrêmement lente.
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Le potassium 40 a la propriété inhabituelle de se désintégrer en deux noyaux différents : dans 89% des cas, la désintégration bêta-négative conduira au calcium 40, tandis que dans 11% des cas, l’argon 40 sera formé par capture d’électron suivie d’une émission gamma à une énergie de 1.46 MeV

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Ce rayon gamma de 1,46 MeV est important, car il nous permet d’identifier quand le potassium 40 se désintègre. Les électrons bêta menant au calcium ne sont cependant pas accompagnés de rayons gamma, n’ont pas d’énergies caractéristiques et sortent rarement des roches ou des corps qui contiennent du potassium 40.
La désintégration bêta-minus indique un noyau avec trop de neutrons, la capture d’électrons un noyau avec trop de protons. Comment le potassium 40 peut-il avoir simultanément trop des deux ? La réponse révèle une des particularités des forces nucléaires.

Du potassium 40 à l’argon 40
La capture d’électrons qui fait que le potassium 40 se transforme en argon 40 dans son état fondamental n’a lieu que dans 0,04% des cas. Bien plus fréquemment (10,68% du temps), une capture indirecte conduit à un atome d’argon excité qui doit retourner à son état fondamental en émettant un rayon gamma d’une énergie de 1,46 MeV. Sans ce rayon gamma caractéristique, il serait impossible de détecter et d’identifier la désintégration du potassium 40. Les neutrinos émis lors de ces captures défient toute détection. Les électrons bêta de la désintégration en calcium 40 (89,3% du temps) ne sont pas accompagnés de rayons gamma, et sont généralement absorbés dans le milieu dans lequel ils se trouvent.
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Les noyaux stables se situent au fond d’une « vallée de stabilité », un concept qui permet de déterminer si un noyau est radioactif ou non. Le potassium 40 devrait se trouver au fond de cette vallée et être le plus stable des noyaux contenant 40 nucléons. Cependant, son énergie massique (ou énergie interne) est en fait supérieure à celle de ses voisins, le calcium 40 et l’argon 40. Cette différence est suffisante pour rendre le potassium 40 instable. La raison en est que les protons, comme les neutrons, aiment exister par paires dans un noyau. Le potassium 40 contient un nombre impair de ces deux éléments – 19 protons et 21 neutrons. Par conséquent, il possède un proton célibataire et un neutron célibataire. Dans l’argon 40 et le calcium 40, cependant, le nombre de protons et de neutrons est pair, ce qui leur confère cette stabilité supplémentaire.
La désintégration très lente du potassium 40 en argon est très utile pour la datation des roches, comme la lave, dont l’âge se situe entre un million et un milliard d’années. La désintégration du potassium en argon produit un atome gazeux qui est piégé au moment de la cristallisation de la lave. L’atome peut s’échapper lorsque la lave est encore liquide, mais pas après sa solidification. A ce moment-là, la roche contient une certaine quantité de potassium mais pas d’argon. Avec le temps et les désintégrations du potassium 40, les atomes d’argon gazeux s’accumulent très lentement dans la lave où ils sont piégés. Mesurer la quantité d’argon 40 formée depuis la solidification de la lave permet de mesurer précisément l’âge de la roche.
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En savoir plus :
Radioactivité Bêta (β)
Capture d’électrons
Radioactivité naturelle
Exposition interne

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