Un pays est-il nécessairement un État souverain ? | GeoCurrents

Aux États-Unis, le mot le plus courant pour désigner les entités souveraines qui composent l’ordre géopolitique mondial est « pays ». Dans le langage courant, un pays est la même chose qu’un État souverain, qui peut également être appelé « nation » ou « État-nation ». Certes, les connotations de ces mots diffèrent parfois, « pays » mettant souvent l’accent sur l’étendue géographique, « nation » sur le peuple et « État » sur le gouvernement. Mais en général, ces termes sont utilisés de manière interchangeable. Si l’on cherche sur Google les questions « quelle est la plus grande nation du monde ? » et « quel est le plus grand pays du monde ? », la plupart des réponses préciseront si elles font référence au « plus grand » en termes de superficie ou de population.

Les définitions académiques de ces termes restent toutefois distinctes. Par conséquent, le glissement conceptuel entre l’usage courant et le discours officiel peut générer de la confusion. À proprement parler, un pays n’est pas nécessairement la même chose qu’un État souverain, car plusieurs régions définies comme des pays sont en fait des subdivisions de « royaumes composites » souverains. » Ainsi, le Groenland, les îles Féroé et le Danemark sont les trois pays qui constituent ensemble le Royaume du Danemark, tout comme Aruba, les Antilles néerlandaises et les Pays-Bas sont les trois pays constitutifs du Royaume des Pays-Bas (bien qu’il soit prévu que les Antilles néerlandaises soient démantelées et réorganisées dans le courant de l’année). Mais si Aruba et les îles Féroé sont classées comme des pays par leur propre gouvernement, elles ne sont pas des États souverains.

En ce qui concerne le Royaume de Grande-Bretagne et de l’île du Nord, la confusion à ce sujet laisse souvent les Américains se gratter la tête sur la signification réelle de termes comme Angleterre, Grande-Bretagne et Royaume-Uni. L’Angleterre reste un pays, mais elle n’est plus un royaume, ou un État souverain, depuis sa fusion avec l’Écosse en 1707. Les trois pays constitutifs que sont l’Angleterre, l’Écosse et le Pays de Galles ont formé ensemble le royaume, et l’État souverain, de Grande-Bretagne de 1701 à 1801, date à laquelle ils ont fusionné avec l’Irlande pour former le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Ce royaume, à son tour, a cédé la place à l’actuel État souverain du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en 1927, lorsque la République d’Irlande a obtenu son indépendance. S’ajoute à la confusion l’existence de dépendances de la Couronne comme l’île de Man (qui ne font pas partie du Royaume-Uni tout en restant sous son égide souveraine), ainsi que les quatorze territoires britanniques d’outre-mer moins autonomes.

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est donc un État souverain composé de quatre pays constitutifs qui étend sa souveraineté sur un certain nombre de territoires associés. Mais la situation est en réalité plus compliquée que cela, car le monarque de cet État, la reine Élisabeth II, règne sur une zone encore plus vaste, servant de chef d’État officiel pour pas moins de seize États distincts. La plupart des membres de ce « royaume du Commonwealth » non officiel (à ne pas confondre avec le Commonwealth des Nations, plus important) sont de petits États indépendants des Caraïbes, mais il comprend également des pays de taille importante comme le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Le Canada, comme les autres royaumes du Commonwealth, n’est jamais classé comme autre chose qu’un État souverain totalement indépendant, et ce pour une bonne raison, car ses liens avec la monarchie britannique sont purement symboliques. Mais d’un point de vue historique, cette relation continue génère quelques paradoxes intéressants. Par exemple, la question « Quand le Canada a-t-il acquis son indépendance » est essentiellement une question sans réponse. Le Canada est devenu autonome en 1867, mais ce n’est qu’en 1982 qu’il a officiellement obtenu le droit de modifier sa propre constitution sans l’approbation du Parlement britannique.

Un royaume peut donc comprendre plusieurs pays, mais un pays peut également comprendre plusieurs royaumes, comme nous le verrons prochainement dans le billet de lundi sur l’Ouganda.

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